Pour un droit à migrer

Article : Pour un droit à migrer
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29 septembre 2016

Pour un droit à migrer

Affiche d'Amnesty International - photo CC by AD www.amnesty.fr
Affiche d’Amnesty International / photo CC by AD

 Qu’ils soient réfugiés, demandeurs d’asile, migrants économiques, fuyant la guerre, les persécutions ou cherchant un avenir… tous les migrants devraient pouvoir entrer et s’installer en Europe, en France. Aucun argument ne tient d’un point de vue moral pour refuser à des hommes d’entrer et de rester dans un pays.

Mon pays refuse visa et asile à des hommes, des femmes, des familles qui viennent y chercher la paix, un emploi, etc. A moi pourtant, on ne m’a jamais refusé de traverser une frontière. Pour des vacances en famille, pour étudier ou même pour travailler, à chaque fois c’est une formalité : quelques documents à fournir parfois, quelques dizaines d’euros, éventuellement un vaccin, et hop ! J’ai pu entrer et rester de quelques semaines à plusieurs années en Angleterre, aux États-Unis, en Italie, au Burkina Faso, en Iran, aujourd’hui en Afrique du Sud…

 

Sur quoi se fonde cette inégalité ? Les Français ne valent pourtant pas mieux que d’autres hommes et femmes pour avoir plus de droits. Plus de droits, ce sont des privilèges ; et en l’occurrence, des privilèges basés sur la naissance car dans notre monde, on naît avec le bon passeport… ou pas. Cette situation d’inégalité de droits est moralement intenable. Soit on nivèle par le bas en cantonnant tous les hommes au territoire où ils sont nés, soit on reconnaît pour tous un droit à migrer.

 

Un droit à migrer interpelle les frontières, ces limites imaginaires conçues par l’Homme. Les frontières naturelles ? Pas vraiment convaincant : des Basques, il y en a des deux côtés des Pyrénées. Non, les frontières sont le résultat d’alliances, de traités, de guerres – d’un rapport de force quoi. Or la loi du plus fort ou du plus riche ne peut servir à justifier le partage de la Terre. On ne peut se satisfaire de l’argument : « Vous n’avez pas le droit d’entrer parce qu’on a été les plus forts donc on a décidé qu’ici c’est chez nous. »

 

Par contre, on pourrait dire qu’une communauté humaine a besoin d’un coin de terre pour vivre, pour survivre même. Les frontières peuvent-elles délimiter le territoire nécessaire à une communauté définie ? L’Homme est lié à la terre. Ainsi, qu’un quidam ne puisse pas entrer dans un champ pour prendre les récoltes dont le paysan avait pris soin, ni s’installer dans la maison que quelqu’un a construit et/ou entretenu, cela me semble juste. La terre appartient à celui qui en prend soin et en vit. Et lui-même appartient à cette terre qui lui appartient. Dans notre société majoritairement urbaine et de surconsommation pourtant, le lien n’est plus aussi direct entre l’homme et la terre.

Au niveau de la communauté non plus ce lien ne peut plus se tracer aussi simplement qu’une frontière sur une carte. Notre mode de vie nous fait consommer des ressources qui viennent du monde entier. Des épices ou du café, mais aussi du riz, le pétrole, nos vêtements… Les ressources dont nous avons besoin sont à l’échelle du monde. Le territoire qui prend soin de nous n’a pas de frontières. On ne peut donc pas non plus en tracer pour les Hommes sur la base de cet argument-là.

 

Je ne veux pas nier qu’ouvrir les frontières pose des questions très pratiques, des questions matérielles. C’est un immense défi pour le vivre ensemble. Ouvrir les frontières pose question sur notre identité, ce qui fait que nous faisons ou pas communauté, avec qui. Mais ces questions sont là de toute façon. On peut se les poser honnêtement et sereinement, ou se crisper sur le monde tel que l’on voudrait qu’il soit. On peut les subir ou s’en saisir : faire de ce défi une opportunité.

 

Tous ces mots « réfugié, demandeur d’asile, migrant,… » en faisant des noms à partir de verbes ou d’adjectifs occultent la partie la plus importante de cette réalité : ce sont des personnes réfugiées, des personnes qui demandent l’asile, des personnes qui migrent. Quand notre société refuse de les traiter dignement, elle offense leur humanité. Elle offense notre propre humanité.

Alors, aussi complexe que ce soit à mettre en œuvre, nous ne pouvons faire l’économie d’accueillir celui qui a quitté sa maison, sa ville, son pays. Parce qu’il s’agit de la dignité de l’Homme. Parce que ce sont Marie et Joseph qui cherchent un abri à Bethléem ou en Égypte. Parce que c’est le Prophète Mahomet qui quitte la Mecque et cherche refuge à Médine. Parce que ce sont les fils d’Abraham qui cherchent une terre. Parce que ce sont des hommes, des femmes, des enfants. Parce que l’Ubuntu : « Je suis Homme parce que nous sommes Hommes ».

 

 

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Commentaires

kutukamus
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Friends in need are hard to find, indeed

somwang
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Plutôt d'accord avec vous, sauf sur le focus mis sur la France. J'ai plutôt l'impression que le repli sur soi, le communautarisme et les fermetures de frontières sont un phénomène mondial. A l'intérieur même des continents, les migrations se font de plus en plus difficiles. Le Royaume Uni ne veut plus de travailleurs européens, les migrants africains mènent une vie infernale au Maghreb sur leur chemin vers l'Europe, et ici en Asie, faute de protection ou même de considération ce sont des nord coréens qui sont réduits à l'état d'esclave au Myanmar, des dissidents chinois qui sont enlevés en plein Bangkok par les autorités de Pékin ou des charniers de travailleurs birmans qui sont retrouvés en Thaïlande.

AurélieR
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radical ? Au contraire plein de justesse et de finesse dans cette manière d'aborder ce sujet si sensible.
Ce qui est radical c'est cette réalité que l'on veut refuser de voir...

DUSOLLIER
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fondamentalement juste, mais peut-être un peu radical, non? ...