Ne pas répondre aux attentats

Article : Ne pas répondre aux attentats
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21 juillet 2016

Ne pas répondre aux attentats

L’état d’urgence est prolongé de six mois. La France répond aux attaques terroristes sur son sol par la « guerre contre le terrorisme » (expression que François Hollande a reprise à George W. Bush). Vu d’ici, de loin car je vis en Afrique du Sud et de près car je suis Française, cette réponse du gouvernement me semble bête. Mais vraiment très bête.

Confrontés à ces attaques, on se prend à rêver d’un chef de l’État grand et fort qui nous protègerait de Daech. On se prend à rêver d’un État où nous serions entre nous, en sécurité, bien en sécurité. Ouvrons vite les yeux : personne ne nous protégera contre ce type d’attaques. Il n’y a pas d’abri. Vu d’ici, cela me semble évident que la réponse sécuritaire est une impasse. Je n’ai qu’à regarder dans les beaux quartiers de Johannesburg : pour se prémunir des intrusions, on a rehaussé les murs – ils ont grimpé sur les arbres. On a abattu les arbres – ils ont utilisé des cordes. On a mis des fils barbelés – ils ont acheté des pinces. On a mis des caméras – ils ont mis des cagoules.

Pas besoin d’être Mme Irma pour prédire que si on veut faire la guerre au terrorisme, on va perdre. Il suffit de regarder dans le temps et dans l’espace : les régimes les plus autoritaires, les plus policiers, même les régimes totalitaires, n’ont pas réussi à arrêter les attentats et autres attaques terroristes sur leurs sols. N’allons donc pas sur ce terrain de la répression, des arrestations pendant la nuit, des détentions arbitraires : on va perdre contre le terrorisme, et on va perdre notre sang-froid, notre liberté, nos droits de l’Homme.

Arrêtons de parler de guerre, de lutte, de résistance, ou même de réponse. Arrêtons la colère, la violence, le repli, l’entre-soi. Ce sont des impasses. Contre le terrorisme, je crois qu’on ne peut rien faire. On ne peut pas se protéger du mal. On ne peut pas se protéger du monde. On ne se mettra pas à l’abri, ni nous ni nos proches. Il faut accepter ça.

« Mais on ne peut pas ne rien faire ! »

Je suis bien d’accord. On ne peut pas ne rien faire ! On peut faire. On peut agir. Et « on », dans ce cas, ce ne sont ni les politiques ni les médias.

Ma mère va chaque semaine à la prison de Nanterre pour accueillir les familles et proches qui viennent visiter une personne détenue. Une de mes amies médecin urgentiste s’oppose à ses collègues qui maltraitent certains patients SDF. Elle essaye de soigner chaque patient en tant que personne d’abord, puis en tant que malade, et en respectant toujours sa dignité. Je connais une association qui organise des randonnées rollers-fauteuils roulants. Une autre amie travaille dans un centre d’accueil pour les migrants. Mon beau-frère cherche dans tous les sens comment ouvrir des horizons professionnels à des jeunes qui n’en ont pas. Mon voisin ici à Soweto apprend la musique aux enfants du quartier… Je pourrais en citer 20 autres, 100 autres qui agissent.

Ils n’ont pas attendu les attaques pour le faire. Mais les attaques ne les ont pas arrêtés. Ils ne le font pas en réponse. Ils le font parce que ça leur fait du bien et que ça fait du bien à ceux qu’ils rencontrent. Ils le font parce que c’est ainsi que l’on est Homme : ensemble. Ces actions-là, depuis les attaques, il me semble qu’elles sont puissantes. Lentes sans doute, et bien petites. Mais puissantes.

Aller à la rencontre du monde. De ceux qui nous ressemblent moins. Ne jamais nous contenter de l’entre soi, fuir le repli. Nous ouvrir, rencontrer, accueillir. Agir. Agir pour. Pragmatiquement, voilà ce que nous pouvons faire. C’est tout ? Oui, c’est tout cela.

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Commentaires

Alpha Oumar Baldé
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Franchement j'aime. J'aime ton article. C'est comme si tu lisais dans mes pensées, comme si tu étais dans ma tête.... waou!!!

améliejacques
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Merci Oumar pour ce commentaire et ton enthousiasme !